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Le rat des champs et le rat de maison.

Un rat, de l’espèce de ceux qui séjournent dans les maisons, à titre permanent, sortit un jour de sa demeure pour en visiter les parages.

Allant ainsi le nez au vent, le hasard fit qu’il rencontra un autre rat, qui lui, vivait dans les champs. Tous deux alors se flairèrent l’un l’autre, et d’emblée ils sympathisèrent. Quoique de même race, ils différaient cependant, l’un étant gros et gras et l’autre famélique. Aussi, dès l’abord, le premier demanda au second la raison de sa maigreur.

— C’est que, répondit le rat des champs, les conditions de mon existence sont difficiles, surtout en hiver comme à présent, où la faim et le froid ont fait de moi ce que tu vois.

— S’il en est ainsi, répondit le rat de maison, pourquoi ne viendrais-tu pas vivre avec moi jusqu’à la belle saison ? Tu n’aurais qu’avantage à cela, je te l’assure.

— Et qu’y gagnerais-je ce faisant ?

— Le manger et le boire surtout, qui te seraient en permanence assurés. Et considère aussi que tu passerais tout le reste de l’hiver à l’abri du froid et des intempéries. Cependant, pour que tu puisses mieux en juger, je t’invite à partager mon dîner. Reviens donc ici ce soir, je viendrai t’y chercher.

L’invitation acceptée, les deux nouveaux amis se retrouvèrent dès la nuit tombée, ainsi que convenu. Le repas qui les attendait dans un recoin de la maison, se composait de figues sèches et de noix décortiquées, empruntées aux réserves de la maîtresse des lieux.

Cependant, tandis que les deux convives s’apprêtaient à faire honneur au festin, un chat surgit, prêt à bondir sur eux.

Ce fut alors le sauve qui peut, et le rat des champs en détalant, entendit derrière lui un long cri de détresse, celui de son compagnon dont l’implacable chat s’était saisi.

Lorsqu’un peu plus tard, le rescapé se retrouva hors de la maison, il s’en alla rejoindre son propre gîte, encore tout tremblant du danger qu’il venait d’encourir.

Une fois en sécurité au fond de son terrier, il put alors à loisir tirer la leçon de sa mésaventure.

« Que m’importe l’hiver, se dit-il, j’en ai supporté tant d’autres. Il m’en coûtera certes, d’avoir encore à me recroqueviller et à jeûner souvent ; mais à considérer la fin, mieux vaut cela et de loin, que vivre parmi les chats.  »

Chérif Arbouz, Fables et contes de Kabylie.

Samedi matin.

Ambiance pesante à Paris, sous une épaisse fumée de violence.

Ici, le ciel était parfaitement dégagé, d’un bleu somptueux. L’Enlumineur avait remis ça, et les mouettes avaient recommencé à rire.

Sur ce vieux toit, en face, une antenne cassée laissait l’entrevoir, elle, qui guidait à bon port tous ces marins du ciel.

Philippe, Mars 2019.

I thank you for the Sun, the one that shines on everyone who feels love.

Vendredi.

Il s’était acheté quelques cigarettes. Avec un café en plus s’il vous plaît, dit-il. Sympa, ce nouveau bar tabac. Il s’assit à l’extérieur.

À cet heure-ci, le Cours était blindé. Il permettait, entre autres, en partant du rond-point de Castellane, de rejoindre la gare Saint Charles. Tiens, ça fait longtemps que je n’y suis pas allé. Je n’ai plus les cheveux longs, on ne devrait plus me demander si « je cherche quelque chose » dès que je mettrai un pied dehors pour fumer, pensa-t-il.

Les voitures étaient à l’arrêt, ou quasi. Les deux roues, eux, slalomaient entre elles avec une aisance de cascadeurs de l’extrême. Hé, on est à Marseille, con.

À sa droite, un employé de la Métropole repeignait un mur. Le Cours Ju est à deux pas, ça doit être pour ça. À sa gauche, un ouvrier avait laissé, dans son engin, la marque de sa dissidence. Peut-être en prévision de demain. Il leva les yeux.

Le ciel était d’un bleu magnifique, et la lumière du Soleil le diluait petit à petit, à mesure que l’on regardait loin. À se demander si il n’existait pas un peintre génial, là-haut.

On était bien, là.