fbpx

Cosca Nostra.

Il avait pris l’oseille. Ce faisant, il avait gagné le droit de la boucler, à tout jamais.

Il lui avait serré la main, pendant des mois, se foutant bien de sa tronche avec ses amis, dès qu’il avait tourné les talons.

Vous savez, ces mêmes connaissances, dont l’amitié est souvent proportionnelle aux verres que vous leurs servez gratis..

Lui et cette grosse tarée s’étaient même approchés de sa famille, peut-être d’un peu trop près. Et on ne s’approche pas de la famille.

De là d’où je viens, cela vaut un pétage de jambes immédiat, suivi d’une séance de balles dans la tête des plus proches, à la chaîne, façon Orange Mécanique.

Mais pourquoi céder à la violence, même si celle-ci peut paraître légitime parfois, elle ne l’est jamais vraiment.

Et puis, une balle serait bien trop chère pour ce genre de type.

Même Hannibal n’en voudrait pas.

Ne faites pas ça chez vous, ni dehors d’ailleurs. Ne nous fâchons pas, Marseille, 2019.

Un mercredi matin.

— Là, tu vois, c’est un temps à rester chez soi et à faire des gosses.

Le barman n’avait pas tort. Il avait bien plu la nuit dernière et le crachin n’avait pas l’air décidé de s’arrêter de chanter.

Il avait pris l’une de ces trottinettes vertes connectées, que l’on pouvait maintenant trouver un peu partout au centre ville, et s’était arrêté sur cette place qu’il avait bien connue.

Entre ces deux palmiers, baignant dans la fontaine Cantini, du nom d’un célèbre marbrier du coin qui l’avait commandée, se tenait la statue de Marseille, qui vous indique la mer.

Et une jeune violoniste traversa.

Place Castellane, Marseille, 2019.

Le rat des champs et le rat de maison.

Un rat, de l’espèce de ceux qui séjournent dans les maisons, à titre permanent, sortit un jour de sa demeure pour en visiter les parages.

Allant ainsi le nez au vent, le hasard fit qu’il rencontra un autre rat, qui lui, vivait dans les champs. Tous deux alors se flairèrent l’un l’autre, et d’emblée ils sympathisèrent. Quoique de même race, ils différaient cependant, l’un étant gros et gras et l’autre famélique. Aussi, dès l’abord, le premier demanda au second la raison de sa maigreur.

— C’est que, répondit le rat des champs, les conditions de mon existence sont difficiles, surtout en hiver comme à présent, où la faim et le froid ont fait de moi ce que tu vois.

— S’il en est ainsi, répondit le rat de maison, pourquoi ne viendrais-tu pas vivre avec moi jusqu’à la belle saison ? Tu n’aurais qu’avantage à cela, je te l’assure.

— Et qu’y gagnerais-je ce faisant ?

— Le manger et le boire surtout, qui te seraient en permanence assurés. Et considère aussi que tu passerais tout le reste de l’hiver à l’abri du froid et des intempéries. Cependant, pour que tu puisses mieux en juger, je t’invite à partager mon dîner. Reviens donc ici ce soir, je viendrai t’y chercher.

L’invitation acceptée, les deux nouveaux amis se retrouvèrent dès la nuit tombée, ainsi que convenu. Le repas qui les attendait dans un recoin de la maison, se composait de figues sèches et de noix décortiquées, empruntées aux réserves de la maîtresse des lieux.

Cependant, tandis que les deux convives s’apprêtaient à faire honneur au festin, un chat surgit, prêt à bondir sur eux.

Ce fut alors le sauve qui peut, et le rat des champs en détalant, entendit derrière lui un long cri de détresse, celui de son compagnon dont l’implacable chat s’était saisi.

Lorsqu’un peu plus tard, le rescapé se retrouva hors de la maison, il s’en alla rejoindre son propre gîte, encore tout tremblant du danger qu’il venait d’encourir.

Une fois en sécurité au fond de son terrier, il put alors à loisir tirer la leçon de sa mésaventure.

« Que m’importe l’hiver, se dit-il, j’en ai supporté tant d’autres. Il m’en coûtera certes, d’avoir encore à me recroqueviller et à jeûner souvent ; mais à considérer la fin, mieux vaut cela et de loin, que vivre parmi les chats.  »

Chérif Arbouz, Fables et contes de Kabylie.