Étiquette : Life
Vendredi.
Il s’était acheté quelques cigarettes. Avec un café en plus s’il vous plaît, dit-il. Sympa, ce nouveau bar tabac. Il s’assit à l’extérieur.
À cet heure-ci, le Cours était blindé. Il permettait, entre autres, en partant du rond-point de Castellane, de rejoindre la gare Saint Charles. Tiens, ça fait longtemps que je n’y suis pas allé. Je n’ai plus les cheveux longs, on ne devrait plus me demander si « je cherche quelque chose » dès que je mettrai un pied dehors pour fumer, pensa-t-il.
Les voitures étaient à l’arrêt, ou quasi. Les deux roues, eux, slalomaient entre elles avec une aisance de cascadeurs de l’extrême. Hé, on est à Marseille, con.
À sa droite, un employé de la Métropole repeignait un mur. Le Cours Ju est à deux pas, ça doit être pour ça. À sa gauche, un ouvrier avait laissé, dans son engin, la marque de sa dissidence. Peut-être en prévision de demain. Il leva les yeux.
Le ciel était d’un bleu magnifique, et la lumière du Soleil le diluait petit à petit, à mesure que l’on regardait loin. À se demander si il n’existait pas un peintre génial, là-haut.
On était bien, là.
Paso a paso.
Virgen con miriñaque,
Virgen de la Soledad,
abierta como un inmenso
tulipán.
En tu barco de luces
vas
por la alta marea
de la ciudad,
entre saetas turbias
y estrellas de cristal.
Virgen con miriñaque
tú vas
por el río de la calle,
¡hasta el mar!
F.G.L
C’est peut-être un détail pour vous.
Cela devait bien faire deux ans qu’il ne s’était pas assis dans un bistrot, son casque de musique vissé sur les oreilles, seul, serein, à regarder les passants.
Il ne faisait pas si froid que ça ce matin là. La polaire n’était plus vraiment nécessaire. L’hiver se terminait et le Soleil reprenait la main.
— Un café s’il vous plaît, avait-il demandé à ce vieux serveur Marseillais qui portait sur lui cette simplicité sincère, et vraiment classe.
— Vous voulez aussi un croissant ? Ou un pain au chocolat ? On a les deux vous savez. Les gens, ils pensent pas toujours à demander, alors je vous le dis.
Ce fut un croissant. Il n’y avait plus ces ânes qui le mataient de loin en ricanant. Toute cette merde était enfin terminée.
Il n’y avait que lui, sa musique et le vent.
Vamos Carlos.
Enfin, tu l’as atteinte cette lumière qu’ils pensaient éteinte. Celle-ci même qui jusqu’ici ne cessait de s’éloigner à mesure que tu avançais vers elle.
Ton honneur, ta liberté. On t’avait tout pris. Lâché, lynché, souillé, sali par ceux-là même que tu avais contribué à sauver d’un naufrage monumental, de ceux qui préfèrent s’acharner à plusieurs et de loin sur celui qui ne peut se défendre, tentant ainsi d’assouvir la frustration d’une vie médiocre et mieux dormir la nuit, en rêvant secrètement pour certains d’être le quart de ce que tu es, d’avoir le quart de ce que tu as.
Les plus courageux de ces lâches tenteront peut-être de continuer à te discréditer. D’autres, quant à eux, pour ceux qui ne seront pas soudainement devenus muets, essaieront de revenir vers toi, « désolés » et ventre à terre, tels les teckels défroqués qu’ils seront à jamais.
Mais toi, maintenant, repose-toi, et bas-toi. Et sois sans pitié. Eux, n’en ont eu aucune.
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