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Welcome to The Jungle.

« Le Sec ». C’était son surnom à la SEC. Il avait toujours avec lui un détecteur de bobards, et c’était son premier jour dans cette histoire.

— Bonjour, tu vas bien ? Moi, je vais toujours bien. Je suis Sandy, et je serai ta meilleure amie ! (Bip) Tu verras, ici, on est, tous, une vraie grande famille (Bip Bip) Tu fais du sport à ce que je vois… tu es marié ? Tu sais, tu peux tout me dire à moi (Bip Bip Bip) Dis, tu ne parles pas beaucoup toi… tu es certainement très intelligent.

Tiens, assieds-toi là. Voici Robert, ce sera ton partenaire. C’est lui qui te formera. Et n’oublie pas que je suis là, si tu as besoin de quoique ce soit… Et, un petit clin d’oeil plus tard, elle s’éloigna dans un dandinement des plus affriolant, que toutes ses heures de vol n’avaient visiblement pas effacées.

— Salut ! Moi aussi, je vais toujours bien ! Moi c’est Bébert, et je serai ton compère, mon garçon ! Moi, ma véritable passion, c’est la chasse et le saucisson ! Puis il se leva, tel un bon élève qui avait parfaitement appris sa leçon. Je vais te présenter le Département. Il étendit sa main vers la gauche.

— Ici, c’est la première équipe. Les « Premium » qu’on les appelle ; le premier choix. Ce sont des gens très cultivés et très intelligents. C’est pour cela que tu auras peut-être l’impression qu’ils ne travaillent pas, c’est parce qu’ils réfléchissent beaucoup en fait. Pour te dire, une fois, il y en a un qui méditait tellement, qu’il n’a pas touché à son PC pendant trois semaines ! Depuis, ils le font tous.

En face de toi, c’est le bureau des Administrateurs. Ils sont extrêmement bienveillants et très à l’écoute. (il ressentit alors une violente décharge électrique provenant la boîte qu’il tenait contre lui) Moi, par exemple, il m’écoutent beaucoup quand je leur racont…bref, ils écoutent, quoi. Et quoi que tu demandes, ils seront très compétents. Une main de fer, dans un gant de plomb. C’est bien comme ça qu’on dit, non ?

À droite, là-bas, le trio que tu vois près de la machine à café, c’est Riri, Fifi et Loulou. Eux non plus tu ne les verras pas souvent à leur bureau, mais ils sont tellement drôles ! Ils sont un peu les « Premium » de la rigolade.
Et si tu veux rester dans l’humour, à côté d’eux, ce sont les cadres historiques de la section « Forces et Attrapes » de notre entité. Si tu as le moindre problème, c’est eux que tu vas voir. Et ils t’aideront.
Ils ont l’air bien dodus comme ça, mais je t’assure qu’ils sont d’une véritable efficacité redoutable. Crois moi (Bip Bip Bip Bip Biiiiiiuuuuuuuii..i… .. .)

Tiens, se dit-il, c’est bien la première fois que ce truc me lâche au bout de seulement cinq minutes.

— Et eux ? Qui est-ce ? Il avait remarqué ce petit groupe de personnes qui se trouvaient dans un coin sombre, en guenilles, tremblotantes, le regard vitreux, la tête baissée, que tout le monde prenait bien soin d’éviter.

— Alors eux…je ne sais pas si j’ai le droit de t’en parler… Bon allez, mais c’est bien parce que c’est toi et que je sens qu’on va être amis, hein ! Eux, c’est.. on les appelle « les putois ». C’est une sorte de troupeau pestilentiel si tu préfères. Ils sont tous plus ou moins malades. On ne sait pas pourquoi, mais il y en a de plus en plus ces derniers temps… Ils ont probablement des problèmes psychiatriques de ce qu’on m’a dit…

Mais, si tu veux mon opinion à moi, je pense, comme beaucoup d’autres ici, que tout ça c’est du bidon. D’ailleurs notre médecin est du même avis que moi. Tu verras, quand tu la verras ; c’est un très bon médecin, le Docteur Sofar-Sogood.

Le mieux pour toi, comme pour tout le monde ici, ça reste encore de ne pas leur parler. Tu risquerais d’attraper ce qu’ils ont et de finir comme eux, fatalement.

Dis moi.. depuis tout à l’heure.. je ne peux m’empêcher de regarder ce que tu tiens dans la main.. tu.. tu m’en donnerais pas un, hein copain ?

We’ve got fun and games.

Qui vivra verra, et vice-versa.

« Il y avait pourtant été habitué assez jeune.

Il n’avait jamais été grand de taille et ne le serait jamais. Sa maman, comme son père biologique, ne l’était pas, et il était arrivé en classe de sixième avec un an d’avance.

Dans la cour de récréation, chaque classe de chaque niveau avait sa place tracée au sol, un peu comme ces places de parking que l’on peut trouver aux abords des grandes surfaces, à la différence que celles-ci étaient assez allongées pour accueillir une trentaine d’élèves et que ces bambins n’allaient pas faire du shopping. Pas encore.

Lorsque la sonnerie indiquait la fin de la récréation, l’usage voulait que chacun regagnât sa file attitrée, dans laquelle il avait laissé son sac le temps de la pause, en rangs de deux, et ce afin de permettre au professeur de faire un premier appel « de visu » avant d’emmener ses élèves sur la voie de la connaissance. Pour lui, ce chemin commençait bien avant que la cloche ne retentisse, et ses pavés étaient loin d’être tous bien intentionnés. C’est peut-être ça, le Paradis, se disait-il.

Il avait fini par se faire aux ricanements à peine masqués qui se déclenchaient alors qu’il passait près d’un banc, accompagné des quelques amis qu’il avait ; ceux qui n’avaient pas peur de se faire mal voir en sa compagnie. Ces gloussements étaient parfois agrémentés de commentaires lancés suffisamment fort pour qu’il les reçoive le mieux possible, et suffisamment bas afin que les surveillants ne les perçoivent pas.

Il aurait été en effet dommage que Dr. Maman et Me Papa fussent reçus dans le bureau du principal car leur chère progéniture, bien que si prometteuse par définition, n’aurait pas intégré le principe pourtant aussi indispensable qu’il est la condition de toute vie en société : le respect de l’autre. Une notion primordiale donc. C’est en tout cas comme cela qu’elle était présentée.

Il revit ce jour où un « grand » de troisième (avec le recul peut-être en partant du bas) était un jour venu près de lui en tenant dans sa main un lacet de ces chaussures de skateboard alors à la mode. Il l’avait placé à quelques centimètres devant ses yeux, et à la manière de ce croque-mort dans Lucky Luke, s’était amusé à le mesurer avec. Il s’était ensuite adressé à ses amis : — Regardez ! Il est plus petit qu’un lacet d’éS ! Et ses amis avaient ri aux larmes.

Ses larmes à lui, il les gardait pour le soir dans sa chambre, avec pour veilleuse la petite lumière verte de l’écran de son poste radio qui éclairait les minutes et les heures qui filaient déjà. Malgré tout, il avait toujours su garder « suffisamment de musique dans son coeur pour faire danser sa vie ».

En attendant, il se tenait là, au milieu des cartables en vrac et de certains de leurs propriétaires, spectateur lui aussi même si malgré lui, incapable de réagir. Il n’y avait plus de musique. Il paraît que, bien que formés et habitués à la violence même la plus extrême, certains soldats, pompiers, policiers, … éprouvent parfois ce sentiment de tétanie face à l’horreur humaine qu’ils ne côtoient que bien trop. Lui n’y était pas entrainé. Pas complètement encore.

Mais cette fois-ci c’était différent, ceux-là au moins savaient compter jusqu’à trois. Et il allait voir ce qu’il allait voir… »

Philippe, En Mai, fais ce qu’il te plaît, 2017.

Nationaux-Salopards.